Par Manuel de Sousa, co-auteur de Souriez, vous Managez
Si le néo management existe, il est rare. Et comme tout ce qui est rare est cher, le néo management est cher ; mais entendons nous, cher à mon cœur et à mon esprit. Ce cher néo management pourrait s’illustrer en France, à coté de chez moi, ou bien dans une des villes de nos belles régions où je passe la plupart de mon temps à travailler avec des managers une approche humaniste et créative du management. Et bien, disons que mes envies de néo management donnent des résultats mitigés.
Alors je continue de chercher…
Il m’a fallu aller jusqu’en Inde pour découvrir les secrets de Vineet Nayar, qui bouleverse l’approche classique des organisations en plaçant les employés d’abord et les clients ensuite*. Aller jusqu’en Inde, j’aimerais bien ! En réalité, il m’a suffi de surfer un peu et d’appuyer sur le bouton acheter en 1 click d’une célèbre librairie en ligne pour recevoir l‘ouvrage de ce néo manager.
Les employés d’abord, les clients ensuite. Et pour quoi faire ? Qu’en est-il de cette nouvelle façon de renverser la pyramide organisationnelle ? Déjà dans les années 90, on inversait toutes les pyramides pour mettre les clients avant toute autre considération, reléguant les top managers dans l’ombre : pas de clients, pas de managers ! C’était l’époque où l’orientation client était LA théorie. Pourtant ici, le propos est différent : un grand patron qui fait une si belle promesse à ses employés, c’est tellement beau qu’on dirait du 48h00 chrono.
Vineet Nayar, PDG de la première entreprise de solutions informatiques indienne, HCL Technologies (HCLT), se rend compte que son entreprise s’endort peu à peu, comme la pauvre grenouille que l’on met dans une casserole avec de l’eau froide, puis, quand on monte le feu et à mesure que l’eau commence à chauffer, la grenouille s’engourdit par le confort et la chaleur, pour finalement mourir cuite sans avoir réalisé qu’elle avait la capacité de sauter par dessus bord. Et bien disons que HCLT se transformait en grenouille sur le feu. Bah, après tout, c’est bon les cuisses de grenouille, vu de chez nous !
Ecouter, Collaborer, Transformer … vive les grenouilles vives !
Fort de ce constat, ce néo PDG décide de mener des transformations pour redonner de l’énergie à l’entreprise et pour lui permettre de redevenir conquérante sur son marché. Un marché « plus grand que nos rêves » comme s’était plu à le dire Jack Welch le PDG de General Electric. Ainsi, ce patron qui fait preuve de zéro mépris en allant à la rencontre des « utilisateurs de l’organisation », ses collaborateurs, et qui a pour héros Nelson Mandela, Martin Luther King et Gandhi, ne peut choisir la méthode anglo-saxonne de réduction des coûts par l’habituelle variable d’ajustement que sont les femmes et les hommes de l’entreprise. Il se doit d’innover !
Il mobilise alors les forces vives de l’entreprise, soit 55 000 employés, pour insuffler une dynamique de transformation, de façon collaborative. Il consacre un an à aller au contact des collaborateurs, rencontre individuellement, en groupe, en séminaires, avec ou sans les hiérarchiques : il va au devant des gens et conclut que la transformation doit se faire pour eux et avec eux. Il décide que HCLT va se transformer sur le MIEUX plutôt que le PLUS, et ainsi jouera dans la cour des plus grands. Le business sera aussi une conséquence, et non pas uniquement une finalité. Cette stratégie de moyens plutôt que de résultats est aujourd’hui éprouvée, et il livre dans son ouvrage une méthode qui à la façon d’une sonate, requiert plusieurs mouvements courts et du temps long (dans son cas, 5 ans pour transformer sans brutaliser).
Des mouvements courts, allegro ma non troppo !
Pour cela, nous dit-il, il faut créer le besoin de changement, en se regardant comme dans un miroir, afin de voir ce que l’on n’aime pas et qui peut être modifié en se projetant dans le futur. C’est la phase d’écoute et de projection. Puis, il s’agit de faire émerger une culture du changement, en s’appuyant notamment sur les « transformeurs » de la génération Y : –« Je voulais que nos employés se sentent de nouveau comme des adolescents, avec des visions d’infinies possibilités devant eux » écrit-il. Serions nous prêts à considérer de la sorte nos nouvelles générations plutôt que les cataloguer Ovnis ou petites poucettes, en taclant des « tellement immature », « trop dispersé », « incapable de se concentrer plus d’une minute » à longueur de temps ?
Puis, il explique encore 3 ou 4 points de méthode tels que construire une structure du changement, une culture de la transparence appliquée à lui même et aux cadres dirigeants. A ce titre : « mais comment s’y prend-on, me demandai-je pour recréer dans une entreprise le même lien de confiance qui règne dans les familles les plus fortes ? ». Cette question de la confiance est centrale dans son ouvrage. Son questionnement pourrait sembler paternaliste, il ne l’est pas. Toutefois, ce qui est possible en Inde, ne l’est pas forcément ici… Son dispositif s’accompagne aussi de la mise en ligne d’un portail ouvert à toutes les paroles de l’entreprise, et bien d’autres secrets que vous pourrez découvrir si vous lisez son livre qui regorge d’anecdotes et d’idées concrètes.
Si rare et si cher
Remettre les collaborateurs au cœur des préoccupations de l’entreprise, les mobiliser par de réelles transformations pour eux même et pour l’entreprise, c’est en substance ce que Vineet Nayar préconise.
Ce qui m’épate dans cet ouvrage qui se lit très facilement, c’est que les termes habituels « coûts, process, performance, actionnaires, stress, motivation, asap, to do », et bien d’autres poncifs ne font pas partie du vocabulaire de ce grand patron, qui pourtant raisonne dans la complexité, agit simplement, joue de l’audace et de la créativité, et exprime ses sentiments.
Serions nous face à l’émergence d’un management tout simplement humain à destination d’êtres humains. Et lui qu’en dit il ? « Ce qui nous a ouvert la voie, et ce qui m’a personnellement donné la force de continuer, sont la foi et la passion des employés à tous les échelons de HTLC, ces personnes qui sont les gouttelettes essentielles du changement, qui se sont vouées corps et âme à notre entreprise et à sa transformation ».
Beau témoignage d’un néo management, si rare, mais si cher…