Par Manuel de Sousa

Il est loin le temps béni de l’entreprise qui prenait en charge l’évolution de chaque collaborateur en l’inscrivant dans la logique de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (si tant est que la GPEC ait jamais été finalisée dans une seule entreprise), et en traçant tout cela dans les Systèmes d’Information des Ressources Humaine (SIRH). Temps béni, parce que le collaborateur n’avait qu’à se laisser prendre en charge par les acteurs RH pour son évolution de carrière. 

Les Ressources Humaines aujourd’hui s’essayent à la décentralisation au plus près des nécessités managériales, font du Marketing de marque pour attirer ou fidéliser les collaborateurs, traduisent en process la réforme du code du travail et promeuvent la transformation de l’entreprise. A la vitesse à laquelle les transformations sont conduites, il reste bien peu de temps pour s’occuper de chacun et lui tracer son plan de carrière.

En parallèle de tout cela, en dehors de l’entreprise, l’émergence des réseaux sociaux a permis à chacun de valoriser son individualité, de construire sa propre image, de porter un message auprès de sa communauté, de faire son « personal branding » en quelque sorte. La qualité de l’être se mesure de plus en plus au nombre de likes et au nombre de transferts, qu’aux qualités intrinsèques de la personne ; les likes sont la mesure de sa popularité.

Alors, comment faire pour continuer de prendre en main son destin dans des organisations mouvantes et se placer sous la lumière qui vous identifiera comme « la bonne personne pour le job, au bon moment » ?

1. Etre entrepreneur de soi, ça a du sens !

Le phénomène de fond de la narration de soi-même encouragé par l’émergence des start-up (modèle de la réussite) et de l’auto entrepreneuriat (modèle de l’autonomie), impactent l’imaginaire collectif. Le temps de l’entreprise unique ou chacun faisait une carrière au long cours, est révolu. Les juniors ne veulent même plus intégrer les grosses boites.  Ces concepts quittent le marché du travail où ils sont légitimes pour arriver dans le marché du travail interne de l’entreprise. Ceux qui continuent d’y évoluer doivent prendre le pouls de cette nouvelle réalité. Alors, comment faire ?

Premièrement, il est important de changer de paradigme ! Garder une posture attentiste et tout espérer de la sainte entreprise vous condamne à la fossilisation lente mais certaine. Si vous en doutez, parlez-en avec les juniors, avec les personnes qui évoluent dans leurs propres structures, faites-vous votre idée, et vous verrez que cela est bien au-delà de l’émergence, c’est un raz de marée.

Pour continuer d’ancrer cette nouvelle réalité, prenez un rendez-vous avec les acteurs RH en charge de vous accompagner et demandez-leur quel est votre plan de carrière, les réponses vont vous surprendre. On vous dira comme Kennedy le disait : 

« Il ne faut pas se demander ce que l’Amérique peut faire pour vous, mais bien, ce que vous pouvez faire pour l’Amérique… »

Consultez la bourse à l’emploi de votre organisation…hé hé, et bien les postes de managers correspondant à votre métier ne sont pas légion. Vous constatez aussi que certains postes sont pourvus alors que l’annonce est à peine passée. Eh bien, un autre cadre aura préempté le poste avant même sa mise en ligne. C’est injuste, non, c’est efficace. En voilà un qui a su se valoriser en interne.

Posez-vous la question de vos talents, les entreprises raisonnent ainsi, même si cela n’est pas explicite. Êtes-vous un talent rare, que l’entreprise veut garder à tout prix ? Êtes un talent à potentiel, que l’entreprise va choyer ? Êtes-vous un talent opérationnel, qui trouvera toujours un poste de terrain, ou bien n’avez-vous pas de talent reconnaissable ? Si c’est le cas, il est temps de marqueter tout cela.

2. Mettre en scène son parcours et le valoriser

A l’heure actuelle, avec la révolution de l’information, vous avez le choix : être ou ne pas être sous les Spotlights. Mode d’emploi :

  • Le CV, toujours le CV, rien que le CV. La seule vraie question est : depuis combien de temps n’avez-vous pas actualisé votre CV. Allez zou, il faut s’y mettre. Des tonnes de CV en ligne vous guideront dans votre démarche.
  • Le CV doit se retrouver sur LinkedIn asap. Bah, me direz-vous, LinkedIn c’est pour les recherches d’emploi en externe ! Changez de nouveau de paradigme, les acteurs RH n’ont plus le temps de fouiller les méandres de votre dossier stocké dans une base de données toute pourrie crée sous DOS et difficilement accessible pour retrouver votre parcours et un vieux CV qui date de 20 ans. Les acteurs RH vont comme tout le monde sur LinkedIn. Même les dirigeants au contact d’un candidat interne vont le chercher sur ce réseau professionnel. Autre avantage de LinkedIn, vous allez voir arriver des annonces émanant de l’extérieur, cela vous permettra de jauger vos talents.
  • Valorisez votre métier :  ce n’est pas le pompeux du titre qui compte, genre Manager d’une équipe de téléacteurs dans le domaine de l’assurance de personnes, en charge de la prise en charge téléphonique des assurés, mais l’efficacité du métier. Tout le monde préfère « manager assurance, back office relation client ».
  • Valorisez vos réussites : ce qui importe c’est ce que vous avez mené et les résultats associés. Ne négligez pas les projets internes, ainsi que les projets personnels à consonance professionnelle.
  • Enfin, tout ce qui fait que vous êtes vous-même, vos loisirs, vos passe-temps, vos préférences seront autant d’indicateurs de votre savoir être et de votre flexibilité. Soyez sincères, et si cela fait partie de la sphère privée, et bien raison de plus : vous êtes une personne unique, et non pas uniquement une fonction.

3. Développer l’humilité et jouer collectif

Enfin, à ce jeu du marketing de soi, la tendance à mettre en avant ses avantages et les bénéfices pour l’entreprise peut vite se transformer en publicité mensongère. Soyez vigilant, restez humble, valorisez les réussites collectives est toujours préférable au « moi-je ».

  • L’entreprise m’a permis, mon rôle m’a amené à, les succès de mon équipe, la préoccupation de notre collectif, sont de bien meilleures introductions que « j’ai été amené à me challenger pour renouer avec moi-même … ».
  • Jouer collectif c’est aussi privilégier la veille sur les sujets dont vous êtes expert, et tout le monde est expert de ses préférences. Likez, relayez, transférez…faites du buz avec vos publications et celles des autres.
  • Allez déjeuner, non pas avec Martine que vous connaissez depuis si longtemps ni avec Pierre avec qui vous faites du vélo le dimanche, non allez déjeuner utile. Resautez en interne, adoptez la position basse auprès de vos anciens patrons, demandez de l’aide explicitement. Vous êtes sur le marché interne, dont acte : with a little help from my friend !
  • Enfin, jouez la carte de l’humour. Quelques photos décalées avec votre équipe et des micro-vidéos seront toujours appréciées. A plusieurs niveaux : votre grande capacité à maîtriser les outils et les références actuelles, ainsi qu’une méga capacité à l’autodérision, signe d’une belle confiance en soi, ou pas.

Vous l’aurez compris, si vous ne faites pas, d’autres le feront. Alors, sortez de votre coquille, prenez-vous en main, surfez sur la vague, avant qu’elle ne vous tire vers le fond.

Consultant, pédagogue, facilitateur et superviseur de managers, Manuel de Sousa aide les personnes à développer leurs plus belles dynamiques afin qu’elles deviennent ce qu’elles peuvent être. Il s’attache à ce qu’elles évoluent avec plaisir dans un environnement toujours incertain, en transmettant son enthousiasme et les clés de la complexité, sous un angle sociologique

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